Association de Constructeurs de Voilier et de Navigateurs
Unité Amateur de Normandie
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Réflexions sur le choix d'un bateau par Olivier Rabourdin
La vie au long court se fait surtout au mouillage et peu au large. Mais si l'on s'accommode de certains défauts lorsque le bateau est à plat dans un environnement plaisant, il faut éviter le plus possible les emménagements peu fonctionnels en mer source de fatigue, de mal de mer et d'ennuis parfois plus grave lorsque tout devient hostile.
En mer on vit plutôt à l'intérieur, souvent allongé, ou à l'abri.
Au mouillage l'intérieur sert surtout à faire la cuisine et à dormir, le cockpit devient la pièce à vivre. Il faut pouvoir aller à l'eau facilement, embarquer et débarquer de l'annexe sans contrainte, même chargé avec le sac de provision.

Mes idées sur les aménagements pour la vie en mer :

· Une descente confortable et sure où l'on peut rester assis en surveillant la mer, à l'abri d'un pare-brise ou d'une capote. Surélevée du fond du cockpit pour rester étanche en cas de grosse vague balayant le bateau par l'arrière.
· Le poste de navigation à proximité de la descente pour rapidement accéder à la carte et au instruments de positionnement et de surveillance; GPS, radar, etc..
· Si possible une couchette de mer pour s'étendre entre deux tours d'horizon. Il est possible de dormir 10 à 20 mn avec un minuteur de cuisine et ainsi d'accumuler du sommeil réparateur. (dans les zones à faible risque de collision) Nous le faisions sur le plancher au pieds de la descente avec un coussin du carré.
· Des allures de près jusqu'au vent de travers, les zones de vie en avant du pied de mat sont quasi inutilisables car trop soumises aux mouvements de tangages du bateau, il ne faut avoir à y aller pour des activités indispensables à la vie du bord.
· La cuisine doit être utilisable par tous les temps, donc dans la moitié arrière du bateau et en forme de L ou de U pour pouvoir se caler efficacement. L'évier doit être proche du centre pour rester utilisable à la gîte. Elle doit avoir des plans de travail avec des fargues efficaces pour poser assiettes et plats. Les cuisines des voiliers de série ont trop tendance à avoir des rangements accessibles par le haut qui rendent inutilisable le plan de travail.
La boite à pain est bien appréciable. Il faut prévoir la possibilité de mettre des filets pour stocker les fruits sans qu'ils s'abîment. Tous les instruments doivent être intelligemment rangés et bloqués pour éviter de faire du bruit. Les tiroirs sont biens pratiques pour les couverts et autres ustensiles.
· Le carré ne sert qu'a lire allongé, parfois à manger par beau temps au portant. Il doit être un refuge pour s'évader un peu du monde liquide qui nous entoure. Il n'est pas nécessaire d'avoir de grandes ouvertures sur l'extérieur et c'est parfois bien agréable d'écouter de la musique ou de se plonger dans un livre sans voir la mer.
· Le cabinet de toilette doit être utilisable quelque soit l'état de la mer. Une bonne toilette à l'eau douce a un effet très défatigant. On peut aussi se laver dans la cuisine.
· Pour dormir lorsque l'on n'est pas de quart, il faut s'isoler suffisamment, pour pouvoir se déshabiller, s'installer chaudement et être protégé des bruits. Il faut toujours pouvoir sortir très vite de sa couchette pour une manœuvre imprévue, un incident ou un accident. (collision, incendie). Les couchettes les plus confortables sont dans les parties arrières et le plus bas possible. (Dans les conditions de gros temps le mieux est de dormir sur les planchers.)
· Le moteur et la zone mécanique doit être bien accessible et l'on doit pouvoir intervenir tout autour même dans des conditions inconfortables. Le presse étoupe où le joint tournant et le système de barre à roue avec drosses doivent être surveillés régulièrement.
· Les fonds du bateau sont un excellents endroits pour stocker les conserves et le ravitaillement lourd, eau en bouteille, lait, etc. Il faut que les planchers soient bien conçus avec si possible un verrouillage et que l'eau des fonds ne stagne pas mais revienne dans un puisard. Leur nettoyage doit se faire facilement et il ne doit pas y avoir de recoin inaccessible (pourriture et mauvaise odeur). Un piège à miettes, sable ou poussières est bien pratique pour l'entretien des planchers.

Au mouillage :

Espace, lumière, ventilation, clarté sont les qualités à privilégier. De nombreux panneaux et hublots bien disposés, s'ouvrant intelligemment pour capter la moindre risée permettent de faire un courant d'air dans le bateau. Les couleurs sombres et les boiseries foncées sont peu agréables.
Si l'on reçoit des amis, il est préférable que chacun puisse s'isoler suffisamment pour garder un peu d'intimité, une cabine d'invité digne de ce nom est bien appréciable.
Pour le reste la vie est surtout dehors. Les tauds sont très importants, le bimini idéal pour naviguer est souvent insuffisant au mouillage. Il faut couvrir en partie le pont pour que les capots puissent rester ouverts et avoir un retour de chaque coté du cockpit pour le protéger des d'averses. (Plusieurs fois par jour aux Antilles).
Le cockpit est la pièce à vivre. L'inclinaison et la hauteur des hiloires doit permettre de se tenir assis sans fatiguer. La table doit être solide, repliable pour permettre de circuler aisément, suffisamment grande pour que tout l'équipage y prenne les repas. L'accès à la plage arrière et à la jupe doit être facile et sans risque de glisser avec les pieds mouillés.

Le type de bateau :

Beaucoup d'options sont possibles :
· Dériveur : pas indispensable en Méditerranée et aux Antilles.
Avantages : Super en Bretagne et dans le pacifique, bien appréciable aux Bahamas et en Amérique du sud. Très stables au portant, plus confortables à la mer, ils sont réputés pour avoir des mouvements plus doux. Ils risquent moins d'être mis au tapis dans le gros temps.
Inconvénient : mécanique plus sophistiquée et faillible, coût plus élevé, entretien important. Aluminium ou contre plaqué epoxy obligatoires.
· Quillard : simple, solide et sure. Beaucoup de models sur le marché. Choisir un bateau de portant avec des formes arrières épanouies, bien stable, planante. Au long court on ne fait pas de près, sauf pour une courte distance et l'on n'hésite pas à s'aider du moteur.
· Déplacement : une préférence pour le mi lourd ou le léger, plus marin et moins physiques. Par contre supporte moins bien la charge.
· Taille : le confort à partir de 10 m, les difficultés physique à partir de 13-14 m. Tout dépend du budget. Ne pas oublier qu'en vieillissant les forces physiques et la résistance vont en diminuant.
· Materiau :
Polyester : on en trouve de tous les types et de toutes les tailles. Ils sont solides s'ils sont bien construit et demandent un minium d'entretien.
Inconvénients : osmose, fragilité au choc (il y a de plus en plus d'histoire de container percuté). Les bateaux travaillent beaucoup et posent des problèmes d'étanchéité en vieillissant, parfois même de structure au niveau des varangues de quille ou des cadènes.
Un bateau d'occasion devra faire l'objet d'un examen minutieux de toutes les zones structurelles et il faudra bien connaître son passé.

Aluminium : certainement très bien mais cher. Nécessite un entretien régulier et des équipements électriques irréprochables. Sur les unités d'occasion il faudra rechercher les points d'électrolyse et inspecter les soudures des pièces à forte contrainte : aileron de safran, système de dérive, cadènes, varangues, fixation du lest, tube de jeaumière, tube d'arbre d'hélice. Il faudra se renseigner sur la technique utilisée pour maintenir le lest. Si le plomb est directement au contact de la quille ou des fonds du bateau, il faut impérativement une étanchéité parfaite pour interdire toute infiltration d'eau qui provoque un effet pile entre ces deux matériaux au dépend de l'alu. J'ai vu plusieurs bateaux construits par Pouvreau ou Garcia obligés de changer la quille ou de refaire des pièces de coque à cause de ce phénomène, au bout d'une quinzaine d'années.
C'est certainement le meilleur pour les dériveurs.

Acier : solide à toute épreuve. Gros entretien mais pas difficile surtout si l'on vit à bord. Déplacement lourd obligatoire. Il n'est certainement pas aisé de trouver une unité en très bonne état et bien aménagée. Il faut pouvoir facilement visiter tous les fonds du bateau. Les emménagements doivent être démontables. Il ne doit pas y avoir de partie métallique masquée par du bois surtout sur le pont, les points de ragages doivent être protégés par des platines en inox.

Bois époxy : beau et sympathique, entretien important, permet différents types de bateau et des déplacements légers. Je n'ai pas d'expérience. Vieillissement ? Bateau assez sonore ?

Les équipements :

· Electronique : GPS et radar pour la veille. Anémomètre, intéressant pour étalonner la voilure et toujours garder les marges de sécurité.
· Pilote : électrique, le plus efficace mais consommateur et tombe en panne. aérien, ne demande que l'énergie du vent mais suit ses variations de cap et barre certainement moins bien. Encombre la plage arrière.
· Froid : En traversée, permet de conserver les poissons pêchés et des denrées fraîches une semaine. Très agréable au mouillage et en escale. Deux systèmes existent : - Le compresseur électrique régulé par un thermo-régulateur. Ce dernier est souvent source d'ennui et le compresseur tourne plus qu'il ne devrait. Il faut faire un bilan de la consommation pour produire l'électricité consommée.
- Avec compresseur attelé au moteur. Le système est plus simple est beaucoup plus fiable mais il nécessite de faire deux fois ½ heure de moteur par jour. Ce n'est pas forcément un problème .
· Eau sous pression, bien agréable en escale mais la consommation est parfois difficile à contrôler ; demande de produire de l'énergie ; Permet d'avoir une douche chaude avec un ballon branché sur le circuit de refroidissement du moteur (1/2 heure de moteur suffit).
· La production d'électricité : Il faut faire un bilan du nombre d'ampères que l'on va consommer par jour. Il faut impérativement produire ce que l'on consomme et le plus régulièrement possible.
Le frigo est souvent le plus gourmand. Le pilote vient en second, l'électronique du bord en troisième, surtout s'il y a un radar, l'éclairage et l'eau sous pression en dernier.
Si l'on a choisi un frigo électrique, il faudra impérativement faire du courant en permanence. L'éolienne fonctionne bien à partie de 10 à 15 N de vent. Au mouillage dans les alizés pas de problème, mais souvent un mouillage venté est mal abrité. En mer elle perd beaucoup de rendement au portant. les panneaux solaires sont efficaces aux heures de culmination et perdent très vite du rendement dès que le soleil baisse sur l'horizon. En navigation, l'alternateur d'arbre est très efficace à partir de 5 nœuds ( 5 A en continu), mais il fait un peu de bruit et provoque une usure des joints d'étanchéité de l'arbre et accessoirement de l'inverseur.
Pour compléter il reste le moteur du bateau. Il sera préférable d'équiper l'alternateur d'un système de régulation électronique permettant de délivrer plus rapidement la quantité de courant nécessaire à charger les batteries et d'un répartiteur sans perte. En général les systèmes montés en série sont du même type que ceux utilisés pour l'automobile, ce qui ne correspond pas à l'utilisation que l'on en fait sur un bateau ; ils chargent beaucoup trop lentement et avec un très mauvais rendement.
Si l'on a choisi un groupe froid attelé au moteur, une heure de moteur par jour avec un bon système de régulation de charge vont apporter une grande quantité d'ampères et une éolienne ou un panneau solaire suffira à entretenir la batterie " servitude " pour étaler la consommation du pilote sans être obligé d'avoir une capacité de batterie trop importante.
· La radio : Etre radioamateur est certainement un plus. Cela permet d'avoir des correspondants partout et de trafiquer avec des appareils de faible puissance et peu consommateur. Mais il faut passer la licence et avoir une affinité forte pour ce type d'activité qui occupe quand même beaucoup. C'est bien en traversée, moins bien en escale. La CB est très aléatoire mais permet des contacts parfois surprenant. Cela demande une grande patience. La BLU fonctionne grâce à Monaco radio et garde ses lettres de noblesse, les postes sont plus chers et plus consommateurs que ceux des radioamateurs. Les standards satellites sont encore très chers à l'achat et à l'utilisation mais les versions type mini M qui permettent d'envoyer et de recevoir des Mails me paraissent très séduisantes. Question de budget !
· L'ordinateur : bien sur ! ! trouver la bonne machine alimentée sur 12 v qui résistera à l'humidité et à un prix abordable ne doit pas être facile. Quel bonheur de se promener sur la cartographie électronique, d'interfacer avec le GPS et de naviguer comme dans un jeu vidéo. Indispensable pour écrire des Mails, gérer les paramètres du bord, la réserve de nourriture etc.. et écrire ses mémoires.
· La motorisation : fondamental au long court. Doit être l'objet de tous les soins. Le moteur est très largement utilisés et parfois dans des conditions extrêmes. Il faut une bonne réserve de puissance pour se sortir de situations périlleuses comme franchir une barre à la sortie d'un fleuve avec le vent dans le nez ou s'éloigner au vent d'une côte par gros temps, ou encore repêcher un homme à la mer dans la tempête.
Le moteur accuse rapidement la vétusté et les mauvais traitements.
Il faut avoir une installation irréprochable et parfaitement insonorisée, les longs bords au moteur ne sont pas rares, pour remonter un fleuve ou naviguer sur des canaux, ou simplement pour remonter le vent un jour où l'on ne souhaite pas traîner en mer.
Une autonomie d'une centaine d'heure est un minimum. (Nous avons fait quatre-vingts heures de moteur, sur 17 jours, pour traverser l'atlantique, avec la traversée du pot au noir.)
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Enfin pour donner un ordre d'idée, Barnabé nous a coûté en 1987 environ 500 000 F. Nous avions acheté la coque nue chez Garcia en 1984 135 000 F et avons réalisé entièrement nous même les emménagements et la pose des équipements, ce qui a représenté au moins quatre mille heures de travail en tout